En temps de peste, la vie de la société est bouleversée. Comme la guerre et la famine, ce fléau fait resurgir les vieilles peurs de l’humanité et ses pires déraisons. D’un côté, chacun se protège au paroxysme, accusant jusque sa propre famille, l’économie est anéantie appauvrissant les plus pauvres, mais permettant des profits vertigineux à tous ceux qui spéculent sur les tragiques évènements.

De l’autre côté, les communautés élaborent des solutions ingénieuses et courageuses dont le suivi rigoureux garantit souvent l’efficacité A travers tous ces règlements nous pouvons imaginer la vie des gens en ces temps d’épidémie.

Les communautés mettent rapidement en place les « bureaux de santé » qui vont contrôler toute la vie sociale et économique.

– Chacun doit porter un billet de santé indiquant qu’il vient d’un village sans peste.

Tout individu suspect est mis en quarantaine à l’extérieur du village.

– Les marchés et foires sont interdites, les marchandises ne circulent plus.

– On exclut des populations étrangères ou marginales qui sont les premiers boucs émissaires soupçonnées de diffuser la maladie : les consuls de Carpentras expulsent les juifs ; les bohémiens, les femmes de mauvaise vie.

L’approvisionnement est un des soucis majeurs des communautés. En 1719, la récolte de céréales a été faible ; très vite le grain devient rare et les prix montent, la suspension des importations de France et l’interdiction de circulation et les difficultés de cultiver aggravent la pénurie. Chaque communauté accapare les ressources de son territoire et devient protectionniste. Celles qui ne peuvent vivre en autarcie achètent et empruntent. 

Des mesures d’hygiène et de santé

A cette époque, l’état des villes et des campagnes est un véritable défi à l’hygiène. En temps d’épidémie, les mesures draconiennes amènent des améliorations. A Carpentras, il est imposé de tenir le fumier à plus de 500m des maisons. Interdiction de jeter ordures, immondices, urine par les fenêtres. L’eau essentielle est l’objet de précautions particulières : interdiction des lessives aux fontaines, des sentinelles gardent les points d’eau, elle est distribuée 2 fois par semaine à la population.

La désinfections des rues, des maisons est assurée par les « aéreurs » ou « parfumeurs » qui font flamber des feux de plantes aromatiques aux carrefours : ils emploient des vapeurs nitreuses et des « parfums » comme celui du père Léon. Les fossoyeurs ou corbeaux ramassent les cadavres, jetés des maisons dans la rue, avec de longues pinces, des crocs et vont les détruire dans des charniers sous la chaux vives.

Enrôlés de force parmi les vagabonds ou les repris de justice, ils ont très mauvaise réputation.

Des médecins et des médecines

Les médecins portent une baguette et un costume composé d’un long manteau de cuir et d’un masque au long nez rempli d’herbes désinfectantes, symbole frappant.

Les conseils et les remèdes pullulent ; devant la méconnaissance de la maladie chacun peut y aller de sa pharmacopée miracle ; beaucoup de charlatans : le vinaigre est à la base de la plupart de la pharmacopée ; le vinaigre des 4 voleurs Toulouse 1652 figure au codex comme désinfectant.

Implorer Dieu

La médecine est impuissante à comprendre, expliquer, circonscrire le mal, aussi la peste est-elle ressentie comme un châtiment de Dieu. Le premier président du parlement d’Aix s’écrit : « nous attendons à voir la peste ravager notre coupable ville mille fois plus criminelle que Babylone, Tyr, Sodome et Gomorrhe ».

Implorer Dieu et ses saints, principalement saint Roch est le dernier espoir des populations épouvantées. Alors pour obtenir la miséricorde de Dieu, on prie, on essaie de mener une vie exemplaire, on fait des processions, on donne de l’argent à l’église, on édifie des chapelles. L’église resserre son emprise sur la population par les interdictions des nombreuses fêtes populaires, en particulier le carnaval.